Ton métier, c’est illustratrice freelance spécialisée en motion design. Cela t’a depuis toujours offert une certaine liberté de mouvement. Quels pays as-tu découverts en tant que nomade ?
Sonya Robine – Je me suis un peu baladée, principalement en Europe, mais aussi en Australie quand j’avais 20 ans. Mes études m’ont ensuite permis d’aller aux États-Unis et à Stockholm. Le fait d’être digitale nomade m’a permis de découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles personnes et de retrouver mes amis aux quatre coins du monde. J’ai eu la chance de visiter le Mexique, le Portugal, l’Angleterre et les États-Unis.
Et cela t’a aussi mené à arrêter l’avion.
Oui, jai toujours été sensible à l’écologie et j’ai pris conscience il y a quelques années de l’importance des actions individuelles. C’est la raison pour laquelle je suis devenue végétarienne et pourquoi j’ai décidé d’arrêter de prendre l’avion. Certains de mes amis avaient déjà fait ce choix avant moi, cela m’a conforté dans ma décision. J’ai aussi effectué pas mal de recherches pour apprendre et analyser mon empreinte carbone. Des outils sont disponibles pour calculer son empreinte carbone et lorsque je me suis lancée, j’ai découvert qu’en 2021, mon empreinte s’élevait à neuf Tonnes de Co2 principalement à cause de l’avion. Pour mieux se situer, un aller-retour Paris-New York émet près de deux tonnes de CO2 par passager. Ce volume est au niveau de la moyenne française, mais bien trop élevé si je veux espérer préserver la biodiversité et faire ma part. Supprimer l’avion a donc été le choix le plus évident pour moi afin de me permettre d’atteindre le volume recommandé par les accords de Paris de deux tonnes par habitant. Ce calcul a été vraiment révélateur de mon mode de vie, j’invite tout le monde à calculer son empreinte carbone pour se faire son avis. L’image du digital nomade est très liée à l’avion et à des destinations lointaines comme Bali, Tulum, le Costa Rica ou la Thaïlande… Mais en réalité, on peut aussi être nomade en France et en Europe !
Pourquoi cette distorsion dans la tête des gens selon toi ?
Le voyage est souvent perçu comme une envie d’évasion et donc associée à un séjour qui se doit d’être long, lointain et dépaysant. L’éducation que nous avons reçue et les codes que la société nous communique jusqu’ici nous incitent à avoir tendance à trouver plus sexy de raconter notre voyage à Copacabana que nos vacances à La Rochelle. Même si la récente crise sanitaire nous a appris à voyager au plus proche et à découvrir l’environnement et les gens qui nous entourent. Il est important de redéfinir le voyage et apprendre à le vivre autrement, car notre mode de vie est de plus en plus pointé du doigt, et à raison. Je parle entre autres de l’article de Bon Pote sur les digital nomades.
Les alternatives pour poursuivre ce mode de vie sont de se déplacer autrement et de prendre le temps et peut-être de ne pas « faire » telle ou telle destination, mais de la vivre.
Comment pouvons-nous, nomades du digital, faire évoluer les mentalités concernant notre mode de vie ?
Prendre conscience que nous sommes très privilégiés de pouvoir travailler ainsi et d’avoir accès au voyage aussi facilement est un bon début. Cela implique aussi de se rendre à l’évidence que l’envers du décor est aussi plus compliqué, moins joli. La communauté des digital nomads est une des premières à parler d’écologie tout en remplissant ses feeds Instagram de photo de hublots d’avion et de destinations à faire. Les gens ne nous prennent pas au sérieux. Je pense que pour faire évoluer les mentalités, nous devons changer notre rapport au voyage et montrer réellement l’exemple. Aujourd’hui, il y a la réalité du réchauffement climatique et de la chute de la biodiversité et franchement ça fait mal au cœur ! Nous sommes tous acteurs de ce changement et nous avons tous des actions individuelles à mettre en place pour faire en sorte de ralentir ce processus.
Quelles sont nos alternatives pour poursuivre un mode de vie nomade qui nous plaît tant ?
Les alternatives pour poursuivre ce mode de vie sont de se déplacer autrement et de prendre le temps et peut-être de ne pas « faire » telle ou telle destination, mais de la vivre. Au départ de Paris en train, on peut aller très loin ! Mes prochaines destinations sont toutes françaises ou européennes et accessibles en train. Je suis également en train d’apprendre la voile pour traverser l’Atlantique.
Le choix de ne plus prendre l’avion devait arriver et je pense que tout le monde devra prendre cette décision un jour ou l’autre, ou elle nous sera imposée.
Est-ce que tu vis ces alternatives comme un sacrifice, ou plutôt comme une évolution naturelle ?
Je le vis clairement comme un sacrifice. J’ai conscience d’être privilégiée en disant cela et probablement bien égoïste dans la mesure où j’ai déjà pas mal profité de ce que le monde peut offrir. Dans notre société, on ne nous apprend pas à respecter le vivant et encore moins la planète. Il faut tout faire, tout voir, tout consommer maintenant, et on pense que c’est acquis et immuable, mais non et là, on se fait rattraper. Aujourd’hui, il faut agir pour préserver tout cela ainsi que le mode de vie que nous connaissons. Donc finalement, pour moi, le choix de ne plus prendre l’avion devait arriver et je pense que tout le monde devra prendre cette décision un jour ou l’autre, ou elle nous sera imposée.
Vas-tu mettre en place d’autres actions pour réduire ton empreinte carbone ?
Bien sûr, en déconstruisant tous les biais que la société de consommation m’a inculqués. Je souhaite vivre plus simplement dans le respect de l’humain et de la planète. J’espère que chaque année mon empreinte carbone sera moindre.
Nous vivons clairement un moment de rupture entre le monde d’hier et de demain. Vis-tu comme une chance le fait d’avoir pu vivre l’époque où voyager autant et avec insouciance était encore possible ?
Tellement ! C’est très égoïste de ma part, mais je suis très contente d’avoir visité tous ces pays et c’est super hypocrite aussi d’essayer de faire en sorte que les gens prennent moins ou arrêtent l’avion. Mais le moment est venu de changer nos modes de vie et de consommation pour la planète, la biodiversité et notre futur ! Il nous reste trois ans pour agir selon le dernier rapport du GIEC donc ne perdons pas de temps. Après, chacun doit aussi aller à son rythme ! Avoir conscience des enjeux c’est déjà 60% du chemin et on ne peut pas être parfait, mais faisons au moins du mieux que l’on peut. C’est ça le plus important !